top of page

 blog 

Rétrospective du premier congrès des écrivains et artistes noirs

  • Photo du rédacteur: Club RFI Paris
    Club RFI Paris
  • 14 avr. 2018
  • 6 min de lecture

Dessin pour l'affiche du premier congrès des écrivains et artistes noirs
Par Pablo Picasso, 1956.


Le 28 mai dernier à la Sorbonne, il était question de rétrospection. En se tournant vers le passé, celui du premier Congrès International des écrivains et artistes noirs qui a eu lieu en 1956 à la Sorbonne, il ne fut pas chose facile d'en examiner tous les enjeux de cette période en faisant un parallèle avec ceux d'aujourd'hui.


En essayant d'être aussi claire que juste par rapport à mon ressenti au sortir de ces quelques heures mouvementées, j'espère pouvoir vous donner un aperçu juste de cet événement.


D'abord il y a le concept. Organisé par le Club RFI Paris présidé par Fabian Charles avec notamment Eric Amiens aux commandes du micro, cet événement a réuni une mixité de jeunes adultes motivés et dynamiques. Ce fut à la fois instructif et artistique. En effet, de la musique à la peinture en passant par le théâtre, les organisateurs ont pris possession de l'espace sans démesure dans un enchevêtrement idéal.

Nous saluerons les performance Hugo Minsat (Saxophone), Claude Saturne (Percussion), Sébastien Jean (Peinture), Pablo Cruz (Guitare) et de tous les étudiants et organisateurs et acteurs de cette rencontre.

Ce fut un enchantement d'entendre des textes de Césaire, Cheik Anta Diop, ou Tony Morisson pour ne citer que cela., toujours terriblement d’actualité parlant de négritude, d'affirmation de soi, de réalité coloniale entre autres.


La réflexion qui allait être maîtresse de cette conférence était axée sur deux points: L'évolution de la condition des noirs depuis 1956 et L’esthétique négro-africaine.


Après la forme, voici donc le fond. Nous avons eu la chance d'entendre des intervenants de renoms et de qualité qui nous ont exposés leur vision du monde intellectuel noir tel qu'il l'était en 1956 ainsi que leur constat en France au vu de la "question noire". Evidemment il est toujours questions d'enjeux mais nous verrons que plusieurs facteurs sont à prendre en considération.


J'attire votre attention sur le fait que je n'ai retranscrit qu'une partie des points (que j'ai jugé importants) abordés par les intervenants en essayant de garder la teneur des discours employés.


Première partie

Intervenants:

Elikia M'Bokolo, Historien congolais, spécialiste de l'histoire sociale, politique et intellectuelle de l'Afrique.


Avec les mouvements d'indépendances et la fin de la guerre d'Indochine, le premier congrès international des écrivains noirs de 1956 a lieu dans un climat bien particulier. Ce mouvement ayant débuté à la Sorbonne rassemblait non seulement des noirs venus d'Afrique mais aussi des noirs antillais, haïtiens et bien d'autres tous réunis dans un soucis d'unités et de fratrie.


Le combat des noirs en France est difficile car la France veut maintenir les pays de l'Afrique sous son giron. La situation néocoloniale a succédé à la situation coloniale.


Les mots de races, et les pratique de racismes envers les noirs renvoient au passé qui est toujours lourd. On ne peut pas dire que ce sentiment n'existe plus, il y a comme une banalisation y compris dans le monde lettré et l’élite française ou européenne. C'est un combat de toutes les nations qui continue.


Nous constatons malheureusement qu'en même temps que nous faisons des efforts pour nous construire et réaffirmer cette africanité au sein de l'Union Africaine, un repli sur soi s'opère. Il y a une désorganisation au sein des noirs qui n'a plus rien à voir avec l'élan de 1956. En 1956 nous ripostions ensemble, en groupe pour répondre à des attaques globales. Aujourd'hui notre combat est plus parcellisé et se réduit à des choses qui ont une efficacité moindre alors que notre capacité culturelle et artistique est peut être plus grande qu'auparavant. Il y a beaucoup de savoir mais ce savoir ne circule pas assez.


Maboula Soumahoro, Docteure en Langues, Culture et Civilisation du monde anglophone. Présidente de l'Association Black History Month.


(Je dois préciser que M. Soumahoro est une femme que j'admire énormément. D'abord parce que son engagement me parle mais aussi parce que j'ai l'impression qu'elle fait partie de ces intellectuels qui sont réellement au fait de l'état des lieux de la condition des noirs en France et les enjeux actuels de la jeunesse issue de la diversité. Elle réussit sereinement à mettre d'accord les personnes à qui elle s'adresse à chacune de ses interventions).


Le monde de 1956 est différent dans la forme mais pas dans le fond. On est face aux mêmes questions de domination et de résistance à la domination. Nous avons eu le rêve d'un monde noir, mais la naissance de ces Etats Africains a tout mis à mal car elle a parsemé ces pays. L'ère coloniale est censé être terminé mais dans les Antilles notamment françaises, la question se pose encore.


Il ne faut pas oublier que les statuts des noirs sont différents en France. On a des français noirs naturalisés, des français noirs indigènes né en France, ce qui fait que chacun a des intérêts différents.


En France, l'identité noire n'existe pas. Par contre les agressions et discriminations existent. Le CRAN en 2006 a connu des temps durs et pour une association comme Black History Month, c'est très dur de réussir à obtenir des fonds publics.


L'histoire des noirs n'a pas été transmises institutionnellement en France.


Sayouba Traoré, Ecrivain Burkinabé, Journaliste, Poète et Nouvelliste, il a reçu le Prix Radio France Internationale pour sa nouvel "L'Oeuf".


Quand on regarde le fond on peut se demander comment peux t-on dans un pays appelé "immigré" un jeune issue la 2ème ou 3ème génération d'immigré. Le noir est obligé de justifier sa présence dans ce bas monde.


Les parents ont un rôle à jouer dans la transmission de leur histoire. Je vois beaucoup de jeunes s'interroger, ils veulent savoir, comprendre, donnons leur cette possibilité.

Deuxième partie

Intervenants : Romuald Fonkoua, Professeur de littérature française à la Sorbonne. Rédacteur en chef de la revue "Présence africaine".


Je suis frappé par la différence radicale entre 1956 et 2014. Les intellectuels noirs français fuient le débat et chacun fait son show de son côté. Si on ne débat pas de ce qui nous réuni comment pourrons nous discuter de tout cela.


Jacques Stephen Alexis disait "Il n' y a pas de culture sans nation. Il n' y a pas de nation sans peuple".


Donc je pense que tant que l'histoire coloniale n'est pas remise en cause, il ne peut y avoir de civilisation. Néanmoins je dois souligner qu'il existe aujourd'hui une esthétique négro-africaine mise en lumière par l'art et la littérature par exemple.


Gérald Bloncourt, Peintre et Photographe, Auteur d'une oeuvre abondante et variée (peinture, dessin, gravure...)


A rendu un hommage émouvant à son compagnon de route Jacques Stephen Alexis, écrivain, homme politique et médecin haïtien fervent résistant à la dictature de François Duvalier, disparu en 1961...

La solidarité d'antan n'est plus celle d'aujourd'hui. A l'époque nous étions des frères prêt à tout pour servir nos intérêts communs.


Myriam Cottias, Historienne, Directrice au CNRS. Présidente du Comité National pour la mémoire de l’histoire et de l'esclavage.


Je tiens à préciser que malgré la photo qui illustre le Congrès de 1956, les femmes à cette époque étaient bien présentes aux côtés de ces hommes dans cet élan intellectuel de lutte et de rassemblement.

L'esclavage a permis a ceux qui l'ont institutionnalisé de définir le "blanc". On était dans un processus de construction de catégorie raciale.


Ce qui est symptomatique en France actuellement c'est qu'on est dans une opposition entre l'histoire de l'esclavage et la non repentance. Il faut rappeler que l'histoire de l'esclavage et la traite ont été consécutive à l'histoire de France.


Franck Salin, Écrivain et Réalisateur, auteur du roman "L homme pas Dieu".


Comment nous définissons nous? L'africanité, la négritude, la créolité veulent-elle dire la même chose? Difficile de répondre par la positive. De part mes voyages et mes rencontres j'ai pu me rendre compte qu'il existe des similitudes mais la vérité est que nous sommes différents. En tant qu'écrivain, je peux me permettre de dire que la littérature ne remplacera jamais l'expérience mais elle vous y prépare.

Il n’existe pas d'esthétique négro-africaine, je ne l'ai pas ressenti dans tous les livres que j'ai pu lire.

Une invitée d'honneur, Florence Alexis, fille de Jacques Stephen Alexis, nous a rappelé dans un discours touchant, comment au temps de son père, la solidarité entre noirs à Paris qu'ils soient américains, africains, antillais régnait. Ce souffle n'est plus. Je suis dans l'ensemble assez d'accord avec ce qui a été dit par les intervenants qui, à travers leurs points de vue nous ont permis de nous interroger. Des événements de ce ce type mériteraient de voir le jour régulièrement afin de permettre un dialogue qui je trouve manque cruellement au sein de la communauté noire en France. Les Etats africains ne sont pas devenus "Etat" par l'initiative de l'homme noir qui a été divisé afin de faciliter son asservissement. Le "chacun dans son coin" n'est pas judicieux. Un devoir d'unité au sein de la masse noire en général est plus qu'urgent dans une France où la Ministre de la Justice, parce que "noire", subit des insultes et des humiliations. Cela prouve bien que le racisme bien ancré, n'est pas uniquement servi à la masse noire mais touche aussi l'élite. Cette élite justement qui est censée être un exemple, étouffe ses frustrations de son côté car les intérêts du "moi" ont dépassés ceux du "nous". L'unité d'antan, celle de 1956 en tout cas, constituée des éléments les plus conscients du monde intellectuel noir en France ne restera qu'un vague souvenir. Et pourtant, il y a urgence.

Ils étaient à Paris, à la Sorbonne. Autant de personnes venant de pays différents mais conscientes d'appartenir au même arbre. Ils représentaient l'unité et la force ce qui manque cruellement à ceux qui sont arrivés après eux. Ils ont fait leur part.

Kimya,

18 juin 2014

Source : http://www.theworldofkimya.com/2014/06/retrospective-sur-le-1er-congres.html

 
 
 

Comments


© 2018 par Club RFI Paris

5, boulevard Jourdan 75014 Paris, France

  • Facebook Clean
  • Twitter Clean
bottom of page