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Aimé Césaire : "Embrassez-moi sans crainte"

  • Photo du rédacteur: Club RFI Paris
    Club RFI Paris
  • 12 avr. 2018
  • 1 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 avr. 2018


La jungla, Wilfredo Lam, 1943.

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : « Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai. »

Et je lui dirais encore :

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »

Et venant je me dirais à moi-même :

« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »


Et voici que je suis venu !


De nouveau cette vie clopinante devant moi, non pas cette vie, cette mort sans sens ni piété, cette mort où la grandeur piteusement échoue l'éclatante petitesse de cette mort, cette mort qui clopine de petitesses en petitesses ; ces pelletées de petites avidités sur le conquistador ; ces pelletées de petits larbins sur le grand sauvage, ces pelletées de petites âmes sur le Caraïbe aux trois âmes, et toutes ces morts futiles

absurdités sous l'éclaboussement de ma conscience ouverte

tragiques futilités éclairées de cette seule noctiluque et moi seul, brusque scène de ce petit matin où fait le beau l'apocalypse des monstres puis, chavirée, se tait

chaude élection de cendres, de ruines et d'affaissements


Aimé Césaire

Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine, p.22-23.



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